En 2024, le port de la jupe par une personne assignée garçon reste, en France, un acte qui bouscule, alors même que certaines écoles tolèrent désormais cette pièce lors de journées consacrées à la lutte contre le sexisme. Dans bien des entreprises, les codes vestimentaires binaires persistent, même si la loi sur l’égalité professionnelle ne réserve la jupe à personne. D’un autre côté, quelques marques osent des collections genderless, mais ces initiatives restent loin de toucher la majorité. À travers ces débats, c’est toute la question de la liberté vestimentaire qui se joue, entre affirmation de soi et pression du regard social. Localement, des initiatives fleurissent pour élargir la palette des choix, permettant à chacun de s’approprier, ou non, ce vêtement chargé de sens.
La jupe, un vêtement au-delà des frontières du genre
Longtemps, la jupe a cristallisé la question de l’expression de genre en France, associée d’office à la féminité. Pourtant, l’histoire du vêtement s’écrit loin de ces assignations. Dans de nombreuses cultures et à travers les siècles, la jupe s’est portée sans distinction de genre, traversant les époques comme un signe de fluidité plus que de séparation. Aujourd’hui, elle revient sur le devant de la scène comme symbole d’une identité qui refuse les étiquettes.
À Paris, lors de la fashion week inclusive, les podiums débordent de propositions qui renversent la frontière entre masculin et féminin. Les créateurs s’emparent de la jupe, s’amusent des codes, invitent à explorer le vêtement comme espace d’expérimentation. Pour beaucoup, il ne s’agit plus de se conformer mais de traduire une identité choisie, en dehors des cases classiques.
Voici comment la jupe s’impose dans de nouveaux récits :
- Ce vêtement, longtemps vu comme le symbole d’une identité féminine, devient aujourd’hui l’emblème de l’expression non binaire.
- En France, la mode non binaire attire une jeune génération désireuse de remettre en question le lien traditionnel entre vêtement et identité.
La jupe ne se contente plus d’être une affaire de mode. Elle s’affiche comme un moyen de repenser la norme, de défaire les réflexes qui voudraient l’enfermer dans un genre unique. Porter une jupe, c’est parfois affirmer ouvertement son refus d’une répartition arbitraire des vêtements. Un geste politique, qui redéfinit le rapport au corps et à la société.
Qui peut porter une jupe aujourd’hui ? Déconstruire les idées reçues
La jupe ne s’adresse plus à une catégorie figée. Les personnes non binaires la choisissent pour affirmer une expression de genre qui se moque de la logique binaire. D’après une enquête récente, près d’un jeune Français sur cinq, parmi les moins de 30 ans, ne se reconnaît plus dans la traditionnelle binarité de genre. Ce chiffre révèle un changement profond dans les mentalités et dans la manière de s’habiller.
Dans certains établissements scolaires, l’uniforme évolue : jupes et pantalons deviennent accessibles à tou·te·s. À Nantes, des élèves optent pour la jupe afin de dénoncer les stéréotypes de genre. Des enseignants comme Stanne Husson-Steinbach insistent sur l’importance de la discussion avec les familles et les enfants pour accompagner ce mouvement. Du côté des entreprises, les règlements internes s’assouplissent, souvent sous la pression de collectifs ou grâce aux recommandations des associations LGBT.
Pour mieux saisir l’impact de ces avancées, quelques tendances se dessinent :
- La création de safe spaces, où chacun·e choisit ses vêtements sans craindre jugement ni sanction.
- Des médias et des chercheurs, à l’image de Karine Espineira ou Arnaud Alessandrin, qui analysent et documentent la transformation des codes vestimentaires.
Le choix de la jupe devient alors une négociation entre affirmation de soi et recherche de reconnaissance sociale. Pour certains, elle apaise une dysphorie de genre ou accompagne un coming out. Les contours de la mode binaire s’estompent, laissant la place à une liberté inédite et à une plus grande visibilité pour les identités multiples.
Mode non binaire : entre affirmation de soi et liberté vestimentaire
La mode non binaire s’impose peu à peu, tant dans les vitrines que sur les podiums. Des maisons comme Gucci ou Vivienne Westwood dynamitent la frontière des genres : la jupe quitte le vestiaire exclusivement féminin et devient synonyme de liberté vestimentaire. Jean Paul Gaultier avait déjà ouvert la voie en proposant la jupe pour les hommes, brisant un verrou ancien. Aujourd’hui, cette impulsion s’amplifie.
La Gen Z et les communautés LGBT s’emparent de ces évolutions et réclament des vêtements qui ne trahissent aucune assignation. Les collections non genrées, pensées pour toutes les morphologies et toutes les identités, gagnent du terrain. D’après le Vogue Business Index, la demande pour les vêtements non genrés explose chez les jeunes générations.
Dans la rue comme sur scène, la référence à des figures telles que David Bowie, Harry Styles ou Billy Porter s’impose. Chacun d’eux incarne, à sa façon, une esthétique qui piétine les stéréotypes. Agathe Rousselle ou Janelle Monáe associent leur image à cette identité vestimentaire mouvante, où les frontières s’effacent.
Les marques, de leur côté, réinventent le vocabulaire, revoient la coupe, la taille, et le nom même de leurs collections. Le vêtement cesse d’être un passeport pour un genre précis. Il devient un outil d’affirmation et d’expression pour tous, sans distinction binaire.
Explorer des options vestimentaires adaptées à toutes les identités
La créativité inclusive inspire une nouvelle génération d’acteurs de la mode. Des marques comme SANVT investissent dans des collections unisexes, pensées pour s’adapter aux différentes morphologies, sans étiquette de genre. Raphaël U, cofondée par Tammy Hattem, propose des uniformes scolaires non genrés pour instaurer, dès l’école, une égalité concrète. En partenariat avec les Effrontés, ils imaginent le vêtement comme levier d’émancipation.
Les créateurs jouent avec des matières fluides et des coupes asymétriques, brouillant définitivement la séparation entre codes masculins et féminins. Houblon Platine développe des modèles spécifiquement pensés pour les personnes non binaires, incarnés par l’ambassadrice Grosse Bertha. Ces démarches encouragent la fluidité de genre dans la vie quotidienne.
Quelques tendances concrètes s’imposent dans les nouveaux rayons :
- Collections non genrées
- Accessoires conçus pour effacer la distinction masculin/féminin
- Coupes adaptées à toutes les morphologies
Les campagnes publicitaires se transforment aussi : la mention du genre s’efface, les mannequins affichent des identités variées. Les safe spaces se développent jusque dans les boutiques, où chacun peut essayer et choisir sans craindre le jugement. La mode non binaire ne se limite plus à un discours : elle s’incarne dans la taille, le langage, la mise en scène, marquant une évolution profonde du secteur.
Ce mouvement, discret mais déterminé, dessine peu à peu un paysage où personne n’a plus à négocier son droit à la jupe. L’horizon des possibles s’élargit, et les vêtements, enfin, suivent la diversité des vies.


